“Icare! Va ranger cette caisse dans le débarras.” Le jeune homme releva la tête avant de la hocher et de récupérer la caisse que son patron lui désignait. Il n’était que dix-huit heures mais Icare était déjà sur son lieu de travail à préparer le bar avec ses collègues. Nous étions vendredi soir et comme chaque semaine, le nightclub attendait une grande affluence de personnes prêtes à tout oublier et à bien consommer, ne laissant pas de repos à l’anglais. Icare ne pouvait pas se plaindre, il savait dans quoi il s’embarquait lorsqu’il avait postulé pour le job quatre ans plus tôt et il avait pris le rythme à présent. Son seul regret était qu’il avait moins de temps pour s’adonner à ses activités favorites, le skate et l’art de rue, en particulier le dernier. Il ne pouvait pas le faire en plein jour, le jeune homme n’était pas un inconscient et il n’avait pas forcément envie de faire un tour dans la case prison. Il posa la caisse au sol, s’étira avant de retourner derrière le bar à nettoyer et ranger les nouvelles bouteilles.  Il esperait que cette nuit se passerait bien pas comme la précédante où un homme complètement bourré s’était battu avec un des videurs de la boîte, la police était venue et ça n’avait rien amené de bon.
Des heures s’étaient écoulées et à présent, ils étaient tous prêts pour l’ouverture. Icare était posté derrière son bar avec deux autres gars, vêtu d’un jean slim noir, un simple tee-shirt et sa casquette, le jeune homme avait eu de la chance d’être tombé sur un employeur qui était plutôt laxiste sur le choix vestimentaire. “Allez, on ouvre!” cria le boss aux videurs qui ouvrirent les portes.

La musique battait son plein mais Icare était concentré à réaliser les commandes des personnes aux bars. Il devait prendre une commande, la préparer, en reprendre une autre, apporter la première, dire le montant, préparer la seconde, revenir vers le premier, appporter la deuxième, bref, il fallait savoir être multi-tâche et avoir une bonne mémoire tout en restant cordial et présent. Mais sa place au bar n’était pas si mal, Icare avait surtout de la peine pour les demoiselles aux vestiaires, surtout pour la fermeture lorsque les gens s’impatientaient et commençaient à se taper dessus. Au bar, le jeune homme avait surtout le droit à de joyeux lurons qui parfois lui donnaient de jolis pourboires. Le jeune anglais avait droit à des regards aguicheurs de la part de demoiselles, surtout lorsqu’elles remarquaient son petit accent anglais de Londres. Elles tentaient de commencer une conversation mais souvent Icare n’enchainait pas deux phrases, tellement il était occupé mais aussi parce qu’il n’en avait pas envie. C’était son lieu de travail, il n’était pas là pour draguer. S’il faisait des clins d’oeil, des sourires charmeurs ou disait quelques phrases flatteuses, c’était pour charmer la cliente pour l’inviter à consommer plus, rien de plus. Vous pouvez dire que c’est manipulateur mais c’était ce qu’on lui avait appris lorsqu’il avait commencé, Icare ne faisait qu’appliquer les règles.

Icare souffla un peu plus, les gens commençaient à partir, la fermeture approchant à grands pas. Le jeune homme était dos au bar, nettoyant des verres lorsqu’il entendit une voix l’interpeller. Il connaissait cette voix et un petite sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme. Il posa les verres, s’essuya les mains et se retourna, son sourire se faisant plus charmeur à la vue de la jeune femme. Elle devait être une des rares demoiselles pour qui ce sourire charmeur n’avait pas d’intentions consommatrices. Elle était charmeuse et le pauvre Icare tentait tant bien que mal à lui résister mais il commençait à céder à force de la charmer à son tour. Leur petit jeu n’aurait pas une fin innocente, Icare le savait. “Voyez-vous ça, Avalon!”

Elle ramenait sa cigarette à ses lèvres et inhalait cette fumée dont elle ne sentait presque pas la chaleur lui caresser la gorge, cette dernière anesthésié par l'alcool précédemment ingurgité. Elle tirait une bouffée, deux, puis trois, tout en laissant son regard se perdre sur les gens présents sur ce parking bien trop rempli pour l'heure. Quelques garçons dont l'attitude laissait penser que pour eux, la soirée était bien loin d'être terminée. D'autres, qui au contraire tenaient à peine debout, devaient être à peine conscient d'où ils étaient et n'aspiraient qu'à rentrer. Quelques filles aussi, maquillées comme des voitures volées, habillées, ou plutôt déshabillées à en juger par le peu de tissu qu'elles avaient sur le corps. Et des couples qui s'embrassaient, langoureusement, fougueusement et dont l'esprit devait à n'en pas douter être emplie de pensées peu catholiques. Et Avalon. Seule, toujours sa cigarette en main, mais pas l'esprit vide. Non, elle songeait à ce qu'elle allait faire après, ou plutôt avec qui elle allait le faire.

Un défi. Voilà ce qu'était devenu ce barman qu'elle avait décidé d'attraper dans ses filets. Un défi, ni plus, ni moins. Et pourquoi défis ? Et bien parce qu'il lui résistait. Pourtant, elle n'était sans apercevoir la lueur d'envie dans les yeux de jeune homme lorsqu'il posait son regard sur les formes de la belle. Elle n'était sans ressentir cette attirance indéniable, presque palpable. Cette tension présente entre eux lorsqu'ils étaient dans la même pièce, cette envie d'être l'un contre l'autre, toujours plus près et pourtant, cette satisfaction de rester éloignés. Un jeu. Un jeu excitant, stimulant, mais définitivement frustrant. Un jeu qui devrait prendre fin, un jeu qui allait prendre fin. Ce soir. Il le fallait.

Alors, après avoir fumé aux trois-quarts sa cigarette, Avalon poussa la porte de ce bar et s'engouffra à l'intérieur, marchant sans s'arrêter jusqu'au comptoir. L'établissement s'était quelque peu vidé, annonçant la fermeture de celui-ci et pourtant, la brune n'était pas prête de partir. Non, pas sans ce qu'elle voulait. Alors c'est d'un pas décidé qu'elle s'approchait de sa proie, de celui qu'elle ferait succombé, coûte que coûte. Il était un défi, mais Avalon obtenait toujours ce qu'elle désirait et ce qu'elle désirait présentement, c'était lui. Seulement lui. Toujours lui. Cet anglais au parlé si charmeur, ce faciès sur lequel il n'y avait rien à redire et cette allure de mec parfait, cette carrure d'homme parfait. « Tu me sers un dernier verre ? » Lança-t-elle, alors qu'il lui tournait toujours le dos. Toutefois, il ne tarda pas à se retourner et sur son visage se dessinait un sourire charmeur. Sourire que lui rendit la brune, sourire explicite, convainquant, excitant.

Icare sourit et ne put s’empêcher de la dévisager de haut en bas. Il ne pouvait le nier, Avalon lui faisait un effet fou, elle avait un charme irrésistible et elle n’hésitait pas à en jouer, rendant fou le pauvre barman. Le sourire de la charmante demoiselle indiquait qu’elle n’avait pas des intentions très catholiques, excitant le jeune homme. Mais même si Avalon avait une certaine emprise sur Icare, ce dernier savait qu’il en avait une sur la demoiselle et il n’hésitait pas à en jouer, aimant la remplir de désir qu’elle ne pouvait assouvir. Icare s’accouda au rebord du comptoir, se pencha pour se retrouver à quelques centimètres du visage de la demoiselle, son regard se posa sur ses lèvres désirables le temps d’une seconde avant de replonger son regard dans celui de la demoiselle. “Je te fais ça de suite.” Murmura-t-il avant de rompre le contact en se reculant, son sourire malicieux de retour sur ses lèvres. Icare lui prépara sa boisson tout en regardant autour de lui. Il ne restait plus qu’une heure avant la fermeture mais normalement, il ne devrait pas avoir trop de travaille pendant cette dernière heure, peut-être qu’il pourrait passer un peu de temps avec Avalon sauf si tout d’un coup, tout un groupe commençait à lui demander de leur préparer divers cocktails et autres. Icare se retourna et posa le verre de la belle sur le comptoir. “Tiens.” Lui dit-elle en poussant le vers en sa direction. “Je te l’offre, va.” Il rajouta avec un clin d’oeil avant de s’appuyer contre le comptoir derrière lui, bras croisés, la fixant.

Dire qu’Icare n’avait pas espérait la voir était un mensonge. Chaque soir, Icare espérait voir le visage d’Avalon, il espérait qu’elle l’aborde comme elle seule savait le faire, sa voix résonnant comme le signal que la partie pouvait commencer. La belle brune ne venait pas tous les soirs mais elle était une cliente régulière ce qui pour Icare était des plus frustrant parce qu’il savait qu’Avalon pouvait venir mais il ne savait pas quand et être dans l’ignorance était le pire pour le jeune homme. Icare observait Avalon, laissait son regard se balader sur les formes de la jeune femme, les imprimant dans sa mémoire. “Dis-moi Avalon, ne devrais-tu pas être au lit à cette heure-ci?” dit-il sur un ton taquin avant de se relever du comptoir pour une nouvelle fois, s’approcher de la jeune femme, ignorant les règles d’espace personnel. Ses lèvres effleurèrent rapidement celle de la demoiselle avant de tourner son visage pour s’arrêter au niveau son oreille. “À moins que derrière ce visage d’ange se cache une mauvaise fille qui cherche à montrer à quel point elle peut être mauvaise…” Il resta un instant dans cette position, sa main caressa doucement la joue de la jeune femme avant de se reculer et de la fixer, un sourire satisfait sur les lèvres.

Avalon une fille innocente? Icare avait bien vu dès le premier regard échangé qu’elle ne faisait pas partie des demoiselles innocentes et elle ne cherchait pas à l’être, peut-être que c’est ça qui attirait Icare, après tout, les filles qui prétendaient être innocentes, il s’en était lassé, il voulait des filles qui s’assument et qui n’aient pas peur de jouer de ce que la nature leur avait donné et Avalon était ce genre de fille.

La brune pouvait presque sentir sa peau se réchauffer à l'endroit où le barman posait son regard et même si cet effet sûrement psychologique devait en grande partie être dû aux verres qu'elle avait déjà avalés, elle préférait se dire que là n'était que le signe du désir. Plus poétique, ou peut-être dramatique, car indéniablement la frustration était plus forte que le plaisir.

Une mimique presque attendrissante dessinait son visage alors que le jeune homme venait de frôler ses lèvres, mais sûrement sur Avalon cette expression du visage devait-elle paraître davantage sexy que mignon. Elle était ainsi, femme fatale dans ses moindres gestes. Elle ne pouvait s'empêcher de séduire, à chaque instant, comme pour se conforter dans l'idée qu'elle n'était pas de celles qui passaient inaperçu, pas de celles sur qui l'on ne posait pas un regard lorsqu'elles entraient dans un bar comme celui-ci. Non, elle, s'était au contraire la fille vers qui chaque homme détournait ses yeux lorsqu'elle franchissait le seuil d'une pièce et ce, même si les trois quarts des personnes présentes étaient des demoiselles. Bien-sûr, sûrement n'était-elle pas la plus belle, ni même la mieux habillée, mais elle dégageait quelque chose. Quelque chose d'attirant, de fascinant. Elle était ce genre de personne vers qui l'on était attiré, vers qui l'on se dirigeait sans se poser de question, que l'on abordait comme l'on aborderait un ami d'enfance.

De la confiance en elle, voilà la principale chose qu'elle dégageait. Avalon connaissait ses atouts, savait ce qu'elle devait mettre en avant, ou même dire pour obtenir ce qu'elle voulait. Un brin manipulatrice peut-être, mais pour parvenir à ses fins mieux valait l'être. Oui, et sûrement devrait-elle l'être davantage ce soir. Davantage face à Icare, à ce garçon si attirant, mais qui restait si distant. Trop distant. Le jeu en valait-il la chandelle ? La brune l'espérait. D'ailleurs, une part d'elle voulait le faire durer, encore, toujours, comme pour être certaine de ne pas se lasser. Comme pour être certaine qu'il ne serait pas qu'une simple histoire d'une nuit, ou plutôt un banal garçon dont elle ne se souviendrait plus du nom dans quelques mois.

Si peu étaient comme ça. Trop de gars cédaient avant même qu'elle n'est eu le temps de tenter quoi que ce soit. Alors avec Icare, elle appréciait. Elle aimait ressentir cette flamme lorsqu'elle le voyait, cette envie profonde de coller son corps contre le sien et en même temps, de ne pas le faire, comme pour que cela n'est pas de fin. Mais lorsqu'il la regardait tel qu'il le faisait en ce moment, elle ne pouvait s'empêcher de les imaginer allant plus loin. De vouloir aller plus loin. Et davantage encore lorsque de sa voix taquine il s'adressait à elle. Davantage encore lorsqu'il ne respectait pas, plus les règles d'espace personnel. « Je le serais dans.. » Elle jetait un rapide coup d'oeil à sa montre. « ..environ une heure maintenant. » Puis saisissait son verre et le portait à ses lèvres alors qu'Icare s'éloignait, une nouvelle fois, bien trop loin. Alors, elle soutenait son regard, sans répits, comme pour lui faire passer un message. Message que sûrement avait-il vu venir avant même que la brune n'est besoin de faire entendre le son de sa voix. Et elle ne bougeait pas. Non, elle restait simplement là, prédatrice impassible. Ce soir, il serait le premier à craquer, le premier à franchir ce pas qui depuis trop longtemps les séparait. « Joins-toi à moi. » Laissa-t-elle échapper, avant de finalement lui tendre son verre, éloignant ainsi tout sous-entendu, ou les rapprochant, peut-être, sûrement.

Ce jeu était à double tranchant. Bien qu’Icare tentait de faire craquer Avalon, plus il la provoquait et plus il se laisser tomber dans son propre désir. Tout les gestes qu’il faisait et qui étaient supposés fruster la belle brune le frustraient tout autant. Quel était le but de ce jeu dans ce cas? Le désir qui grandissait de plus en plus à chaque rencontre, l’envie de voir l’autre céder et l’imagination des sensations que l’un pouvait procurer à l’autre. Pour beaucoup, c’était stupide, ils considéraient tout ce jeu une perte de temps et qu’ils devraient plutôt coucher ensemble plutôt que de se tourner autour pendant des semaines mais pour le jeune homme, cela enlevait tout le plaisir. Il ne voulait pas qu’Avalon ne soit qu’un coup d’un soir “bonjour, merci, aurevoir”. Il voulait apprendre ses formes par coeur, se les imaginer pour ne ressentir que plus de plaisir lorsqu’il les passerait ses mains dessus parce qu’Icare savait la fin de tout ceci, il n’y avait plus de marche arrière possible, toute l’excitation se tenait à deux mots “Où? Quand?” Le jeune anglais ressentait toujours de l’anticipation dès qu’il voyait Avalon parce que la fin de leur rencontre n’était pas écrite, tout pouvait encore basculer jusqu’à la dernière seconde, il suffisait d’une parole, d’un geste pour déclencher la flamme.

Le sourire d’Icare s’élargit un peu plus en entendant la réponse de la belle Avalon. Toutes leurs conversations étaient remplis de sous-entendus et de jeu d’interprétation. Avalon pouvait signifier qu’elle serait au lit dans une heure ou qu’elle serait une mauvaise fille dans une heure ou bien mieux, qu’elle se montrerait être une mauvaise fille au lit dans une heure. Icare préférait cette dernière interprétation et il en eut la confirmation lorsqu’elle lui proposa de se joindre à lui. Et bien que la brune évinçait tout sous-entendu en poussant son verre dans la direction du jeune homme, Icare n’était pas dupe. L’anglais avait l’impression que le regard de sa tentatrice lui transperçait le corps, comme si elle cherchait dans son âme et y découvrait tous ses secrets les plus profonds. Un regard de quoi en intimider plus d’un mais pas Icare. Ce dernier savait ce qui se cachait derrière ce regard, de la passion, du désir, de l’envie, rien qui ne puisse donner envie au bel homme de fuir la l’ouragan de sensations qu’était Avalon. Il se rapprocha légèrement d’Avalon, ses yeux voyageant entre ceux de la demoiselle et ses lèvres, ses doigts effleurant légèrement ceux de la demoiselle, lui procurant de légers frissons. “N’est-ce pas risqué? Après tout, ce n’est pas quelque chose que je devrais faire…”

Icare chercha dans les yeux d’Avalon ce petit quelque chose qui le pousserait à franchir la ligne ce soir, qui ne le laisserait pas sur sa faim comme toutes les autres fois et il la trouva. Les yeux d’Avalon étaient emplis de désir, de malice et de détermination, ce qu’il fallait à Icare pour se lancer. “Mais après tout, qu’est-ce qu’une vie sans risques, hm?” Le jeune brun prit le verre et le termina d’une traite sans jamais décrocher son regard de celui d’Avalon. Ce soir allait prendre une autre tournure, Icare en était persuadé.

Au départ perplexe quant-au fait qu'Icare se permettrait de boire, elle ne pu réprimer un légé rire lorsque finalement, il termina le verre cul-sec. Elle mima un applaudissement, léger, lent, digne d'une princesse ou tout autre membre de famille royale. « Y aurait-il un mauvais garçon derrière ce visage d'ange ? » Elle posait alors ses coudes sur le comptoir, joignait ses mains et y laissait reposer son menton. Impassible, laissant seulement son regard parler, démontrer l'envie qui s'éprenait d'elle à chaque minute qui passait. « Quoi que je n'ai pas bien vue, tu pourrais recommencer ? » Un sourire malicieux, taquin dessinait maintenant ses lèvres. Que cherchait-elle ? Le soûler ? Peut-être, ou non. C'était un jeu, mais il n'y avait pas de règles. Et de ce jeu le seul enjeu était la fierté. La fierté de gagner, une manche, puis deux. Garder sa dignité, ne pas craquer et faire succomber l'autre. Par n'importe quel moyen. Et les méthodes étaient sûrement peu orthodoxes, étant donné qu'il était quasiment impossible de refuser quoi que ce soit. Car refuser n'était-il pas synonyme de céder ? De défaite ? Encore une fois, là n'était que supposition puisque depuis que ce jeu avait commencé, aucun ne s'était dérobé. Non, comme aucun n'avait cédé.

Une seconde, puis deux s'écoulèrent. Avalon passa son regard de droite à gauche, examinant les lieux, cherchant du regard le gérant. Personne, mais elle s'y attendait. En effet, habituée des lieux, elle n'était pas sans savoir qu'en fin de soirée, le patron s'enfermait dans son bureau, sûrement pour compter ses billets. Avare, il l'était. Indéniablement. Rien que son regard, sa démarche le démontrait. Et jamais à la brune il n'avait cédé un seul verre, même après que ses yeux aient délimiter les contours de son corps. Toutefois, elle n'était pas là pour tergiverser à propos de cet homme dont le compte en banque devait déjà être bien trop rempli. Non, elle était là pour Icare. Pour ce défi. Pour gagner ce jeu. Alors sans attendre, voilà qu'elle se levait de son tabouret et contournait le bar. « Mais pas seul, cette fois. » Elle remplissait alors un shooteur, puis deux avant de sortir un billet de sa poche pour le poser nonchalamment sur le comptoir. Et elle empoignait les deux verres, en tendait un au serveur. Il l'attrapait et au même moment, elle s'approchait de lui, collant quasiment leur corps l'un à l'autre. « On ne m'achète pas. On me gagne » Lui soufflait-elle à l'oreille avant de frôler son cou de ses lèvres. Un baiser, léger, rapide, presque indolore, mais définitivement explicite. Puis elle passait son bras dans le sien, comme on ne le voyait que dans les films et avalait d'une traite l'alcool, au même moment que sa proie, sans qu'à un seul moment leurs regards ne se fuient.

Provocation sur provocation, ils n’arrêtaient pas. Peut-être que la fin serait plus décevante que ce qu’Icare s’imaginait, peut-être que tout son plaisir résidait dans cette chasse mutuelle non dans la perspective de la fin.  Mais c’était un risque qu’Icare était prêt à prendre, il voulait s’enivrer de son odeur, épouser ces formes si désirables, il voulait arriver à cette fin. De lents applaudissements se firent entendre et Icare ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel de façon taquine face au comportement de princesse de la jeune femme. Le sourire de l’anglais s’étira de plus en plus au fur et à mesure qu’il entendait la voix d’Avalon. Tout consistait à faire admettre l’autre de sa véritable nature et de ses véritables intentions tout en jouant sur ses propres sous-entendus. Icare ne répondit rien, se contentant de sourire, mais il n’y avait rien d’innocent dans ce sourire, c’était plus le genre de sourire qui ne faisait que confirmer des propos et aucunes paroles n’étaient nécessaires.  Icare était content qu’Avalon se soit montrée à cette heure-ci, il pouvait lui donner toute son attention, si elle s’était montrée plus tôt, rien de tout ça n’aurait pu arriver. Le barman aurait eu le patron et ses collègues surchargés sur le dos et il n’aurait qu’aperçut la demoiselle que quelques secondes.

Icare jeta un rapide coup d’oeil à ses collègues qui n’avaient pas l’air d’apprécier le bon temps que prenait le barman. Ils lui avaient déjà fait une remarque sur le petit jeu qu’Avalon et lui avaient, ne passant pas inaperçu mais le jeune homme ne s’en souciait guère, que pouvaient-ils y faire après tout? Et puis ce n’est pas comme s’ils ne profitaient de leur position toutes les nuits, draguant librement les clientes tandis qu’Icare se retenait et avait un minimum de professionnalisme. Le jeune homme arqua un sourcil, légèrement surpris par l’initiative prise par Avalon mais il décida de la laisser faire, après tout, la soirée était bientôt terminée et c’était souvent à ces heures-ci que des libertés étaient prises.  Il la fixait verser servir deux shooters avant de lui en tendre un. “On essaie de me saouler?” rétorqua Icare d’un air amusé tout en prenant le verre proposé. Son regard se fit plus perçant lorsqu’Avalon se rapprocha de lui et colla son corps à lui puis il ferma les yeux pour se concenter sur la voix d’Avalon qui lui procurait des frissons, renforcés par son baiser sur le cou de l’Anglais.

Icare rouvrit rapidement ses yeux lorsqu’elle se détacha de lui pour passer son bras dans le sien et ils burent d’une traite, ne cessant de se fixer tout le long, comme s’ils cherchaient à lire l’esprit de l’autre, de deviner à quel point l’un avait envie de l’autre.  Icare posa le verre sur le comptoir, satisfait. “Ne serait-ce pas une de tes techniques pour me rendre plus faible pour ainsi rentrer avec toi ce soir?” rajouta-il, amusé. Il se rapprocha d’elle, s’arrêta à quelques centimètres avant de murmurer. “Parce qu’il suffit parfois de demander, tu sais?”
Le jeu allait prendre une nouvelle tournure jusqu’à ce que la voix du patron se fasse entendre. “Icare!” Ce dernier ferma les yeux, soupira avant de se retourner, un sourire qui sonnait faux sur les lèvres. “Il est temps de fermer.” Le jeune homme hocha de la tête, ignorant le regard désapprobateur de son patron avant de se retourner avant de se retourner vers Avalon. “Réfléchis bien à ta réponse…” il s’avança encore un peu plus “To be continued…” murmura Icare, son accent anglais se faisant entendre.


Icare s’étira tout en poussant un long soupir. Pour lui, c’était terminé et il pouvait rentrer chez lui, satisfait d’avoir pu négocier le reste de sa soirée avec son patron, promettant de rester plus longtemps une prochaine nuit. Le jeune homme n’avait tout simplement pas eu envie de rester plus longtemps après sa rencontre avec Avalon qui comme à chaque fois ne l’avait pas laissé de marbre. Tandis qu’il marchait sur le parking, prêt à rejoindre sa voiture, il aperçut une silhouette située pas trop loin, une silhouette qu’il ne connaissait que trop. Un sourire malicieux se dessina alors sur les lèvres du barman tandis qu’il avançait vers elle. “Tu ne peux donc plus te passer de moi?”