some things are better left unsaid.

‘la nouvelle choquante de la semaine: cian fitzpatrick, le blondinet à la gueule d’ange, a fait son coming-out il y a peu de temps. tous les tabloïds en parlent – à vrai dire, de notre côté on s’y attendait un peu. aucune fille à son bras, des apparitions étranges devant des bars gays... ça ne signifiait qu’une chose. j’espère que vous, mesdemoiselles, n’êtes pas trop déçues!’ je fronce les sourcils devant l’article du magazine dont je fais la couverture, et m’arrête même de marcher. “c’est quoi ce délire?” cian, gay? je l’avoue, à certains moments on aurait vraiment dit qu’il l’était, mais uniquement lorsqu’il était ivre et à peine conscient. cette nouvelle me surprend plus que tout, lui qui était si... tactile avec les filles qui composaient notre entourage. peut-être n’était-ce qu’une façade, finalement. je sors mon téléphone de ma poche, cherche le contact qui m’intéresse et envoie un simple message, sonnant à priori comme une menace: ‘rejoins-moi au café du centre-ville dans dix minutes. prépares-toi à avoir une discussion importante.’

je ne suis pas déçu ou quoi que ce soit – enfin si, légèrement déçu. je pensais seulement qu’il me faisait assez confiance pour me raconter ce qu’il se passe dans sa vie même si moi de mon côté je ne fais pas la même chose, du moins pas autant qu’il le voudrait. mais il le comprend, donc il se contente de se confier, et moi je l’écoute. sauf qu’avec son histoire d’homosexualité, je me sens comme... trahi? penser ça me fait un effet bizarre. non, je ne me sens pas trahi. c’est un mélange entre de la rancune et de la déception, néanmoins je ne le déteste pas. il a sûrement ses raisons pour avoir caché ça, autant que moi j’ai les miennes pour lui cacher mon passé, et tout ce qui s’en suit. lui en vouloir serait lâche, et immature. donc je préfère me dire qu’il avait ses raisons, point barre. assez de prise de tête.

une fois arrivé au café, je salue la serveuse – une rousse d’à peu près mon âge, absolument adorable et que je connais depuis aussi longtemps que je suis ici – et m’installe à une des tables près de la grande baie vitrée qui offre une vue sur le parc. en attendant l’arrivée de cian, je commande une boisson fraîche et me perds dans mes pensées. bon nombre de choses se sont passées ces derniers jours, et je n’ai pas une minute à moi. d’une certaine manière c’est mieux ainsi, ça m’évite ainsi de péter un plomb, de faire une crise ou de consommer encore plus que d’habitude. j’essaye de faiblir mes doses petit à petit, mais c’est comme si mon corps en avait besoin et qu’il allait lâcher si je m’arrêtais. je suis piégé dans un cercle vicieux et ça me tue. mais jamais de la vie je ne mettrais mes proches au courant. joyce le sait déjà et c’est trop. je ne peux pas me permettre d’embêter tout le monde avec mes soucis permanents.

je jette un coup d’œil à ma montre – il est en retard, comme d’habitude. je m’y suis fait à force, je ne lui en veux plus pour ça. peut-être a-t-il peur de la fameuse ‘discussion’ que je m’apprête à lancer avec lui. il a raison, il devrait avoir peur. parce qu’il aura le droit à l’interrogatoire usuel et aussi à la leçon de morale. je relève la tête et voit une tête blond cendré familière se diriger vers moi. ses yeux croisent les miens assez vite, et je plisse les miens, ne prenant même pas la peine de me lever. je pointe la chaise en face de moi d’un air faussement menaçant. “assis,” je dis doucement. “faut qu’on cause, toi et moi.”