don't fuck with me
Ses pas résonnent contre le bitume. Son regard se pose sur chaque personne qu'il croise. Le menton levé, un sourcil relevé il semble juger chaque individu qui entre dans son champ de vision. C'est sa pause. Il en profite pour déambuler dans la ville, il se change les idées. Son portable vibre contre sa cuisse mais il est en presque dégoutté. Ce matin, il s'est pris la tête avec Casey. Encore une fois. Toujours pour des conneries. C'est sûrement elle, là qui tente de le joindre. Depuis le matin, le bout de plastique n'a pas arrêté de gesticuler. Tout ce que Casey va provoquer c'est un cancer du pénis prématuré à Jules. Il répondra pas, il en a rien à foutre. Il peut être têtu. Il lui a vomi à la gueule tout ce qu'il avait ce le cœur depuis un bon moment. Elle a répliqué et tout s'est envenimé. Le pire c'est que le motif de leur dispute est tellement débile que Jules ne s'en rappelle même plus. Il tire sur sa clope et la nicotine s’empare de son corps lentement, son esprit se relax, ses doigts se décrispent. Il juge les gens qui le croise parce qu'il n'a rien de mieux. Il a deux heures à tuer. C'est censé être le temps où il doit aller se nourrir avant de reprendre le boulot mais rien que de penser à de la bouffe et son estomac se tord. Alors il erre, au calme. Certaines personnes le toisent aussi amèrement que lui, Jules se contente de secouer légèrement la tête de droite à gauche. Ils comprennent rien. Sauf que c'est lui qui est à côté de la plaque. Il sait même pas où il va, ses pieds se mouvent vers une direction inconnue. Il se laisse porter par l'inconnu et la nicotine. Il en est à sa troisième cigarette et il a toujours pas atteint le sentiment d’apaisement qu'il recherche tant. Le brun arrive dans une rue commerçante. Les magasins se dressent les uns à côté des autres et semblent tous le narguer. Il sait pas si c'est l'abus des clopes mais il veut prouver à ces putains de magasins que lui aussi, il peut se tenir. Il a définitivement abusé. Sa dernière paie vient de rentrer, il devrait garder une partie pour payer le loyer du studio mais non. Yolo and all that shit. C'est comme s'il s'observait rentrer dans une boutique vintage sur Downtown. Dés qu'il passe la porte en bois brun foncé, son attention se porte sur un mec aux cheveux ridiculement bouclé. Jules ne s'est jamais défini comme gay ou hétéro ou même bi. Il aime les personnes. Si un mec ou une fille lui plaît, alors il fonce. Et là, il enlève ses lunettes et sourit en coin. Son portable vibre dans sa poche. Il s'en rend à peine compte.

say something i'm giving up on you
... Et range-moi toutes ces putains de seringues. On se croirait dans un hôpital de retardés. » Le jeune homme se mordit la lèvre violemment. Calme-toi. Respire. Un goût acre de sang lui ampli la bouche. L'odeur du liquide familier chaud le détendit quelque peu. Se contrôler pour ne pas exploser. Son père balaya brusquement la table de sa main maladroite envoyant valser les outils de travail du jeune homme. Tout se retrouva par terre. Les cartouches de peintures, les esquisses de futur tatouage, son nouveau pistolet. Tout se mélangea. L'eau monta aux yeux de Jules. Mais merde, c'était ce à quoi il avait passé la plupart de son temps depuis quelques mois. Il pouvait pas lui enlever ça. Tout sauf ça. C'était la seule chose qui lui appartenait vraiment.
« T'es un Fields, ressaisis-toi bon sang. Tout ça, là, c'est une passade. Dans deux ans tu vas revenir ici en rampant, la queue entre les jambes en me suppliant de t'engager au cabinet. » Le jeune homme recula d'un pas. Il arrivait pas à détacher le regard de la tornade de couleur qui gisait à ses pieds. La voix de son père lui paraissait loin. Le rouge se mélangeait au bleu.
« Tu vas te marier, avoir des enfants. Tu veux qu’ils pensent quoi de toi Jules ?» Le vieil homme baissa la voix, il s'approcha prudemment de son fils et posa une main incertaine sur son épaule. « Tu veux qu'ils soient fiers de toi, pas vrai?» Le brun leva enfin son regard embué vers la silhouette de son père. Ses iris verdâtres traduisaient toute la détresse qui se cachait en lui. Il ouvrit la bouche mais ses lèvres restèrent entrouvertes. Il voulait crier, partir. Vivre enfin sa vie. Mais il était faible, il avait pas la force. Il faisait que subir. Jour après jour. Son père sourit alors. Un sourire entendu qui transpirait la supériorité. Le jeune homme fronça les sourcils, son paternel savait qu'il pouvait le contrôler. Il l'avait fait toute sa putain de vie. Il arrivait à tenir tête à tout le monde, putain, tout le monde sauf lui. Peut-être parce que c'était la dernière personne du même sang qu'il lui restait? Sa mère trop occupée à se faire sauter par ce putain d'américain, quand elle le confondait pas avec ses cent vingt autres gosses. Sa mère qui avait emportée Eliot avec elle, qui l'appelait une fois par mois pour vérifier qu'il n'était pas encore mort. Jules n'avait jamais vraiment pris de décisions. Il avait toujours pensé qu'il terminerait comme son père. Un gros con. Il avait toujours écouté les conneries qu'il lui glissait à l'oreille. Toujours. Ouais mais pas aujourd'hui. D'un revers de main tremblante, il envoya valser la main de son père dans les airs. Puis il lui dit, d'une voix calme, presque dénudée d'émotions : « Va te faire foutre papa. » Il rassembla ses affaires et partit sans un regard en arrière. La peur coulait dans ses veines, s'échappait par tous les pores de sa peau. Mais putain qu'est-ce que c'était bon. Il respira profondément, l'air empli ses poumons lentement. Il se sentait revivre. Il avait plus peur de vivre. Bye Londres, hi SF.

run boy run
Des mètres d'asphalte s'étendent devant lui tel un continent inexploré. Les rues de San Francisco s’emmêlent devant ses yeux. Il inspire profondément. L'air rempli ses poumons, oxygène son sang. Ses yeux se ferment un moment, les pulsions de son cœur commencent à s’accélérer alors qu'une esquisse de sourire naît au coin de ses lèvres légèrement étirées. Son pied gauche se détache du sol, le brun prend de l'élan et s'élance. Les roues de son skate s'emballent à une vitesse hallucinante, le vent se faufile dans ses cheveux, fouette son visage et lui donne l'allure d'un félin en chasse. L'air percute son épiderme, vient heurter sa peau nue. Il se sent vivre, libre. Il vole presque entre les voitures. Il se sent bien. Il prend de la vitesse, brûle un feu de signalisation. Il joue avec le feu, l'adrénaline coule dans ses veines, il à envie de se brûler.

am i wrong or right?
Un long trait noir, une touche de rouge, une pointe de blanc. Un geste furtif, calculé. L'aiguille qui semble tout juste frôler la peau. Une histoire qui se dessine sur la chair.

Jules, penché sur la silhouette frêle d'une jeune fille, la lèvre supérieure emprisonnée entre ses dents approche une seconde fois le bout de métal froid du bras rougi par l'encre encore fraîche de la brune. C'est sa première fois. Il l'a joue à quitte ou double. Soit il réussit à faire quelque chose de ses doigts tremblants soit il merde et il sait pas encore ce qu'il fera. Peut-être chauffeur de bus ? Un métier d'avenir. La peur et l'excitation se mélangent dans ses veines. L'adrénaline ampli son corps. L'aiguille se rapproche. Que son père aie se faire foutre. Jamais il passera sa vie derrière un bureau à archiver des putains de dossiers. Plutôt crever. Là, ici. C'est ça qu'il veut vivre. Respirer l'odeur de l’encre fraîche, s'épanouir au milieu d'un environnement créatif. La pointe touche la chair. L'encre fige des traits, raconte une histoire. Son coup de main est vif et précis. Il a plus aucune appréhension. Il sait que c'est ça qu'il veut faire. Il est fait pour ça. « T'es nouveau ici toi? » Jules relève les yeux de l'oiseau auquel il était en train de donner vie pour les poser sur le corps de la brune. Les mots roulent sur sa langue et elle prend à peine le temps d'articuler la fin de sa phrase. Elle l'observe, un air entendu figé derrière ses iris couleur chocolat. C'est pas une question, elle sait qu'il est pas d'ici. Elle a cet air sauvage, presque indomptable et Jules s'entend répondre avant même qu'il ne puisse le décider. « Hm, pourquoi j'détonne à ce point-là? » Elle réfléchit. Ses yeux sont plissés, ça lui donne un air d'enfant, insolant. « Nan...» Elle l'observe un instant, ses iris accrochent chacun de ses traits, comme si elle voulait lire en lui. « Y'a juste quelque chose d'intriguant en toi... » Les lèvres du jeune homme se sont étirées en un sourire amer malgré lui mais aucun mot n'a franchi ses lèvres scellées. L'aiguille s'est remise à danser contre la peau de la jeune fille et le silence s'est installé dans la petite pièce. Chacun plongé dans leurs pensées, bercés par leurs respirations mélangés au bruit mécanique de la machine à tatouer. Elle s'insultant mentalement d'avoir raté sa prise, parce que putain, il est plutôt pas dégueulasse et elle se voyait bien terminer la soirée avec sa tête à lui entre ses jambes. Lui se rappelant qu'il devrait vraiment penser à chercher un appart, la vie dans la rue, il pourrait pas gérer. Putain, elle a les mêmes yeux que Casey.

we're speaking in bodies
Les couleurs se mélangent, tournent, se percutent autour de lui. Sa vision se trouble, ses cheveux sont plaqués contre son crâne, sa respiration haletante forme des étoiles sous ses paupières closes. Il sait pas où il va, il sait plus où il est. La musique infiltre son épiderme. Drogue suave. Ses mains frôlent des corps, des bouts de tissus. Ses ongles essaient de s'enfoncer dans quelque chose, n'importe quoi. Mais ça tourne trop vite. Ça se faufile sous sa peau, s'évadent sous ses doigts. Le brun essaie, encore et encore. Il n'a pas prise, il tombe. Ses pupilles dilatées lui donnent l’allure d'un chien effrayé. Sauf qu'il n'a pas peur Jules. Son monde tourne, tout se renverse, le château de cartes s’abat violemment sur ce qu'il lui reste de sa vie. Et il reste là, à se laisser entraîner par la vague, à tenter de ne pas couler dans sa propre connerie. Et un autre verre. Les basses lui explosent les tympans, ses hanches valsent. Gauche, droite. Il n'a plus de sang. Tout est alcool. Tout jusque-là, au creux de ses veines. Ses pupilles s'arrêtent sur son avant-bras. Des doigts s'enroulent autour de sa peau, Jules le laisse faire. Il trouve ça fascinant. Ses yeux se ferment et il se laisse porter par les sensations. Peau contre peau. Il aime. Il danse. Le brun est comme dans un nuage. Tout est si loin et prêt à la fois. Il respire, on glisse un autre verre dans sa main. De l'alcool. Un autre verre. Une autre danse. Casey est loin. Et pourtant...

Un doigt écrasé contre ses lèvres gercées, la respiration saccadée, Jules tente de se faufiler dans l'appartement sans faire un bruit. Ok. Tout est calme. Un pied puis l'autre. Il gère, tout va bien. La porte se referme derrière lui. L'obscurité l’entoure alors. Plongé dans le noir complet, il tente difficilement de discerner les alentours. Les rayons de la lune s'échappent d'une des fenêtres. Dehors le vent souffle. Le brun tend sa main à l'aveugle vers le mur. Où est ce putain d'interrupteur? Ses doigts entrent en contact avec quelque chose de froid, il sursaute, l'esprit encore emprisonné dans les nuages. Un bruit strident retentit dans la pièce silencieuse. Jules jure entre ses dents. Le vase se brise en mille fragments de désespoir, son contenu se répond sur le sol. Le brun essaie de se contenir, il se mord la lèvre jusqu'à ce que du sang se mêle à sa salive. Mais il peu pas résister, c'est trop dur, il est trop perché, c'est plus fort que lui. Un bruit léger s'échappe d'abord d'entre ses lèvres. Puis c'est un fou rire qui lui froisse les côtes jusqu'à ce qu'il en ait mal. Son rire résonne contre les murs. Son rire qui se fane petit à petit parce que ouais, derrière ses paupières closes c'est la silhouette de Casey qui se dessine. Casey. Casey. Casey. Il arrive pas à l'oublier.